Clotilde BIRON - Avocate à la cour

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Entrée en vigueur du « Paquet Marque » en Union Européenne : Quels changements et quelles perspectives pour les titulaires de droits ?

La réforme du droit des marques en Union Européenne, appelée également « Paquet Marque », est entrée en vigueur mercredi 23 mars dernier, après avoir été adoptée en première lecture par le Parlement européenne le 15 décembre 2015.

Cette réforme, consistant en l’adoption de deux nouveaux textes législatifs – le Règlement 2015/2424[1] et la Directive 2015/2436[2], vient répondre à des objectifs de simplification, de modernisation et d’harmonisation du droit des marques en UE, sans toutefois remettre en cause la coexistence entre le système de la marque communautaire et les systèmes des marques nationaux au niveau des 28 États membres.

Si le Règlement 2015/2424 apporte des modifications substantielles au Règlement (CE) n°207/2009[3] sur la marque communautaire (dit « RMC ») et ses Règlements annexes[4], la nouvelle Directive 2015/2436 doit, quant à elle, se substituer à l’actuelle Directive n° 2008/95/CEE[5], dont l’abrogation a été fixée au 15 janvier 2019.

Les 28 États membres disposent d’ailleurs à cet égard d’un délai jusqu’au 14 janvier 2019 pour transposer la majorité de ces nouvelles dispositions, certaines mesures (notamment la mise en place d’une procédure administrative de déchéance et de nullité, cf. infra), bénéficiant cependant d’un délai de transposition étendu jusqu’en 2023.

Concrètement, cette réforme instaure tout d’abord une mise à jour terminologique, rendue nécessaire depuis l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne qui a mis fin aux Communautés Européennes. Désormais, l’Office de l’Harmonisation dans le Marché Intérieur (OHMI) s’appelle l’Office de l’Union Européenne pour la Propriété Intellectuelle (EUIPO), tandis que la « marque communautaire » est renommée « marque de l’Union Européenne » (MUE). Le « Président de l’Office » devient en outre le « Directeur exécutif de l’Office ».

Outre ces évolutions terminologiques, l’entrée en vigueur du Règlement et de la Directive apporte de nombreux changements substantiels, tant juridiques que procéduraux, dont les titulaires de droits doivent prendre l’exacte mesure, afin de conserver et optimiser leur portefeuille de marques.

L’une des premières mesures porte sur une refonte du montant des taxes officielles de l’Office, par l’abrogation pure et simple du Règlement n° 2869/95, relatif aux taxes à payer à l’OHMI[6]. Jusqu’à présent, il était possible de déposer et renouveler une marque dans trois classes pour le même prix. Désormais, le Règlement prévoit le paiement d’une taxe par classe, permettant ainsi aux déposants de ne revendiquer qu’une ou deux classes à moindre frais (850 Euros pour une classe au lieu de 1050 Euros). Une réduction de 10% sur plusieurs autres taxes officielles a également été aménagée.

L’intérêt de cette nouvelle tarification est double : Si les personnes ne disposant de ressources importantes (telles que les TPE) peuvent ainsi accéder à une protection par le droit des marques à faible coût, cette mesure participera incidemment au désencombrement du registre des marques. En effet, jusqu’à présent, le système de tarification jusqu’à trois classes avait tendance à inciter les déposants à revendiquer plus de classes que nécessaires à leur activité, restant pour la plupart inexploitées.

Par ailleurs, cette réforme marque la disparition du critère de la représentation graphique dans la définition d’une marque de l’Union européenne. Cette exigence, qui se comprend aisément par la nécessité de pouvoir publier et inscrire la marque sur les registres, a toujours posé des difficultés pour l’enregistrement de marques « non traditionnelles », telles que les marques sonores, olfactives, gustatives (saveurs) ou encore de mouvement.

Afin de permettre une plus grande flexibilité, le législateur a ainsi supprimé ce critère, estimant qu’une marque « devrait pouvoir être représentée sous n’importe quelle forme appropriée au moyen de la technologie communément disponible, et donc pas nécessaires par des moyens graphiques ». Le législateur a néanmoins précisé que cette représentation devait néanmoins être « claire, précise, distincte, facilement accessible, intelligible, durable et objective ».

Le Règlement 2015/2424 prévoit également un durcissement des règles de dépôt pour les marques de forme, c’est-à-dire les marques tridimensionnelles. Le Règlement et la Directive prévoient en effet que sont désormais exclus de la protection par le droit des marques, les signes constitués non seulement exclusivement par la forme mais également par toute autre caractéristique du produit imposée par la nature même du produit, nécessaire à l’obtention d’un résultat technique ou encore conférant au produit sa valeur substantielle.

Avec cette nouvelle rédaction de l’article 7(1)(e) du Règlement et 4(1)(e) de la Directive, le législateur restreint une fois encore les conditions de validité d’une marque en 3D.

La réforme prévoit en outre une harmonisation de la classification des produits et services, en entérinant l’interprétation littérale du libellé et des intitulés de classes, adoptée par la Cour de Justice de l’Union Européenne dans le célèbre arrêt IP Translator[7]. Dans cet arrêt, la Cour a en effet mis un terme à la pratique de l’Office visant à considérer que les marques revendiquant des intitulés de classes (termes généraux) désignaient l’ensemble des produits et services de la classe visée. Désormais, tout libellé de marque est analysé au sens littéral, c’est-à-dire que les titulaires de marques n’obtiennent de protection que pour les seuls produits et services littéralement désignés dans le libellé.

Le législateur a néanmoins prévu un délai de 6 mois, c’est-à-dire jusqu’au 24 septembre 2016, au cours duquel les titulaires de marques, déposées avant le 22 juin 2012 et désignant des intitulés de classes, auront la possibilité d’adapter leurs listes de produits et services à cette nouvelle exigence. Il leur sera ainsi possible de soumettre une déclaration afin d’ajouter à leur libellé les produits et services qui ne sont désormais plus couverts par les intitulés de classes. A défaut de déclaration, les marques désignant des intitulés de classes seront réputées couvrir uniquement les produits et services nommément désignés (et non plus la classe entière).

En outre, la réforme reconnaît la possibilité d’invoquer de nouveaux droits antérieurs pour faire échec à l’enregistrement d’une marque. Ainsi par exemple, une opposition pourra être fondée sur une appellation d’origine, une indication géographique, une dénomination sociale ou encore un nom commercial.

Enfin, l’un des grands changements apportés par la réforme est la mise en place de procédures administratives de déchéance et de nullité devant les Offices nationaux. Prévue à l’article 45 de la Directive, cette mesure permettra à tout tiers intéressé d’obtenir l’annulation d’une marque auprès des Offices nationaux, sans avoir à porter le litige devant un juge judiciaire, comme il doit le faire actuellement. Gage de célérité et d’économie pour le requérant, ces procédures confèreront à n’en pas douter d’importants pouvoirs aux Offices nationaux, qu’il conviendra d’encadrer pour davantage d’harmonisation entre les décisions des Etats membres et celles de l’Office européen.

Clotilde Biron se tient à votre disposition pour examiner votre portefeuille de marques, afin de vérifier que leur libellé vous garantit une protection adéquate, et d’étudier ensemble l’opportunité de protéger de nouvelles marques, rendues éligibles au droit des marques grâce à la suppression de la représentation graphique.

 

[1] Règlement (UE) 2015/2424 du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2015 modifiant le règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil sur la marque communautaire et le règlement (CE) n° 2868/95 de la Commission portant modalités d’application du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil sur la marque communautaire, et abrogeant le règlement (CE) n° 2869/95 de la Commission relatif aux taxes à payer à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (JO L 341 du 24.12.2015, p. 21).

[2] Directive (UE) 2015/2436 du Parlement Européen et du Conseil du 16 décembre 2015 rapprochant les législations des États membres sur les marques (JO L 336 du 23.12.2015, p.1).

[3] Règlement (CE) n°207/2009 du Conseil du 26 février 2009 sur la marque communautaire (JO L 78 du 24.3.2009, p. 1).

[4] Règlement (CE) n° 2868/95 de la Commission portant modalités d’application du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil sur la marque communautaire ; Règlement (CE) n° 2869/95 de la Commission relatif aux taxes à payer à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur.

[5] Directive 2008/95/CE du Parlement européen et du Conseil du 22 octobre 2008 rapprochant les législations des États membres sur les marques (JO L 299 du 8.11.2008, p. 25).

[6] Règlement (CE) n° 2869/95 de la Commission relatif aux taxes à payer à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (JO L 341 du 24.12.2015, p. 21).

[7] Cour de justice de l’Union européenne, 19 juin 2012, IP TRANSLATOR, Aff. C‑307/10.